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d’imposer même silence à mes adversaires, et d’arrêter leurs clameurs. Loin de me l’accorder, il me menaça, si je ne me rétractais, de condamner tout ce que j’avais enseigné. J’avais déjà donné le Catéchisme, par lequel beaucoup de gens s’étaient améliorés ; je ne devais pas souffrir qu’il fût condamné...

« Je fus ainsi forcé de tenter ce que je regardais comme le dernier des maux... Mais je ne songe pas pour cette fois à conter mon histoire. Je veux seulement confesser ma sottise, mon ignorance et ma faiblesse. Je veux faire trembler, par mon exemple, ces présomptueux criailleurs ou écrivailleurs, qui n’ont point porté la croix ni connu les tentations de Satan... »

Contre la tradition du moyen âge, contre l’autorité de l’Église, Luther cherchait un refuge dans l’Écriture, antérieure à la tradition, supérieure à l’Église elle-même. Il traduisait les psaumes, il écrivait ses postilles des évangiles et des épîtres. A nulle époque de sa vie, il n’approcha plus près du mysticisme. Il se fondait alors sur saint Jean, non moins que sur saint Paul, et semblait prêt à parcourir tous les degrés de la doctrine de l’amour, sans s’effrayer des conséquences funestes qui en découlaient pour la liberté et la moralité de l’homme. Il y a, dit-il dans son livre de la liberté chrétienne, il y a deux hommes dans l’homme l’homme intérieur, l’âme ; l’homme extérieur, le corps ; aucun rapport entre eux. Comme les œuvres viennent de l’homme extérieur, leurs effets ne peuvent affecter l’âme ; que le corps hante des lieux profanes, qu’il