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affaire sans prévoyance ; j’accordais au pape beaucoup d’articles essentiels ; qu’étais-je, pauvre, misérable moine, pour tenir contre la majesté du pape, devant lequel les rois de la terre (que dis-je ? la terre même, l’Enfer et le Ciel) tremblaient ?... Ce que j’ai souffert la première et la seconde année ; dans quel abattement, non pas feint et supposé, mais bien véritable, ou plutôt dans quel désespoir je me trouvais, ah ! ils ne le savent point ces esprits confiants qui, depuis, ont attaqué le pape avec tant de fierté et de présomption... Ne pouvant trouver de lumière auprès des maîtres morts ou muets (je parle des livres des théologiens et des juristes), je souhaitai de consulter le conseil vivant des Églises de Dieu, afin que, s’il existait des gens pieux qu’éclairât le Saint-Esprit, ils prissent compassion de moi, et voulussent bien donner un avis bon et sûr, pour mon bien et pour celui de toute la chrétienté. Mais il était impossible que je les reconnusse. Je ne regardais que le pape, les cardinaux, évêques, théologiens, canonistes, moines, prêtres ; c’est de là que j’attendais l’esprit. Car je m’étais si avidement abreuvé et repu de leur doctrine, que je ne sentais plus si je veillais ou si je dormais... Si j’avais alors bravé le pape, comme je le fais aujourd’hui, je me serais imaginé que la terre se fût, à l’heure même, ouverte pour m’engloutir vivant, ainsi que Coré et Abiron... Lorsque j’entendais le nom de l’Église, je frémissais et offrais de céder. En 1518, je dis au cardinal Caietano à Augsbourg que je voulais désormais me taire ; seulement je le priais, en toute humilité,