Page:Michelet - OC, Mémoires de Luther.djvu/55

Cette page n’a pas encore été corrigée

elle trouva tout un peuple soulevé. A Erfurth, les étudiants l’arrachèrent aux libraires, la mirent en pièces, et la jetèrent à l’eau en faisant cette mauvaise pointe : « Bulle elle est, disaient-ils, comme bulle d’eau elle doit nager. » Luther écrivit à l’instant  : Contre la bulle exécrable de l’Anti-Christ. Le 10 décembre 1520, il la brûla aux portes de la ville, et le même jour il écrivit à Spalatin, son intermédiaire ordinaire auprès de l’Électeur : « Aujourd’hui, 10 décembre de l’année 1520, la neuvième heure du jour, ont été brûlés à Wittemberg, à la porte de l’Est, près la sainte croix, tous les livres du pape, le Décret, les Décrétales, l’Extravagante de Clément VI, la dernière bulle de Léon X, la Somme angélique, le Chrysoprasus d’Eck et quelques autres ouvrages d’Eck et d’Emser. Voilà des choses nouvelles ! » Il dit, dans l’acte même qu’il fit dresser à ce sujet : « Si quelqu’un me demande pourquoi j’en agis ainsi, je lui répondrai que c’est une vieille coutume de brûler les mauvais livres. Les apôtres en ont brûlé pour cinq mille deniers. »

Selon la tradition, il aurait dit, en jetant dans les flammes le livre des Décrétales : « Tu as affligé le saint du Seigneur, que le feu éternel t’afflige toi-même et te consume. »

C’étaient bien là, en effet, des choses nouvelles, comme le disait Luther. Jusqu’alors la plupart des sectes et des hérésies s’étaient formées dans l’ombre, et se seraient tenues heureuses d’être ignorées ; mais voici qu’un moine traite d’égal à égal avec le pape, et se constitue le juge du chef de l’Église. La chaîne de