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aux Dominicains. Ils avaient succédé aux Augustins dans la vente des indulgences. Le dominicain Tetzel, effronté saltimbanque, allait à grand bruit, grand appareil, grande dépense, débitant cette denrée dans les églises, dans les places, dans les cabarets. Il rendait le moins qu’il pouvait et empochait l’argent ; le légat du pape l’en convainquit plus tard. La foi des acheteurs diminuant, il fallait bien enfler le mérite du spécifique ; il y avait longtemps qu’on en vendait ; le commerce baissait. L’intrépide Tetzel avait poussé la rhétorique aux dernières limites de l’amplification. Entassant hardiment les pieuses menteries, il énumérait tous les maux dont guérissait cette panacée. Il ne se contentait pas des péchés connus, il inventait des crimes, imaginait des infamies étranges, inouïes, auxquelles personne ne songea jamais ; et quand il voyait l’auditoire frappé d’horreur, il ajoutait froidement : « Eh bien, tout cela est expié dès que l’argent sonne dans la caisse du pape ! »

Luther assure qu’alors il ne savait pas trop ce que c’était que les indulgences. Lorsqu’il en vit le prospectus fièrement décoré du nom et de la protection de l’archevêque de Mayence, que le pape avait chargé de surveiller la vente des indulgences en Allemagne, il fut saisi d’indignation. Jamais un problème de pure spéculation ne l’eût mis en contradiction avec ses supérieurs ecclésiastiques. Mais ceci était une question de bon sens, de moralité. Docteur en théologie, professeur influent à l’université de Wittemberg que l’Électeur venait de fonder, vicaire provincial des