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les sens par de secrets poisons. En Italie, l’air est pestilentiel. La nuit on ferme exactement les fenêtres, et l’on bouche les fentes. » Luther assure qu’il fut malade, ainsi que le frère qui l’accompagnait, pour avoir dormi les fenêtres ouvertes ; mais ils mangèrent deux grenades par lesquelles Dieu leur sauva la vie.

Il continua son voyage, traversa seulement Florence et entra enfin dans Rome. Il descendit au couvent de son ordre, près la porte du Peuple. « Lorsque j’arrivai, je tombai à genoux, levai les mains au ciel, et je m’écriai : Salut, sainte Rome, sanctifiée par les saints martyrs et par leur sang qui y a été versé !... » Dans sa ferveur, dit-il, il courut les saints lieux, vit tout, crut tout. Il s’aperçut bientôt qu’il croyait seul. Le christianisme semblait oublié dans cette capitale du monde chrétien. Le pape n’était plus le scandaleux Alexandre VI ; c’était le belliqueux et colérique Jules II. Ce père des fidèles ne respirait que sang et ruine. On sait que son grand artiste, Michel-Ange, le représenta foudroyant Bologne de sa bénédiction. Le pape venait de lui commander pour lui-même un tombeau grand comme un temple ; c’est le monument dont il nous reste le Moïse, entre autres statues.

L’unique pensée du pape et de Rome, c’était alors la guerre contre les Français. Luther eût été bien reçu à parler de la grâce et de l’impuissance des œuvres, à ce singulier prêtre qui assiégeait les villes en personne, qui récemment encore n’avait voulu entrer à La Mirandole que par la brèche. Ses cardinaux, apprentis officiers, étaient des politiques, des diplomates, ou