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pour entrer dans cette glorieuse contrée. Il espérait certainement raffermir sa foi dans la Ville-Sainte, laisser ses doutes aux tombeaux des Saints-Apôtres. La vieille Rome aussi, la Rome classique l’attirait, ce sanctuaire des lettres, qu’il avait cultivées avec tant d’ardeur dans sa pauvre ville de Wittemberg.

D’abord il est reçu à Milan dans un couvent de marbre. Il continue de couvent en couvent, c’est-à-dire de palais en palais. Partout grande chère, tables somptueuses. Le candide Allemand s’étonnait un peu de ces magnificences de l’humilité, de ces splendeurs royales de la pénitence. Il se hasarda une fois à dire aux moines italiens qu’ils feraient mieux de ne pas manger de viande le vendredi. Cette parole faillit lui coûter la vie ; il n’échappa qu’avec peine à leurs embûches.

Il continue, triste, désabusé, à pied dans les plaines brûlantes de la Lombardie. Il arrive malade à Padoue ; il persiste, il entre mourant à Bologne. La pauvre tête du voyageur avait été trop rudement frappée du soleil d’Italie, et de tant d’étranges choses, et de telles mœurs, et de telles paroles. Il resta alité à Bologne, dans la ville du droit romain et des légistes, croyant sa mort prochaine. Il répétait tout bas, pour se raffermir, les paroles du prophète et de l’apôtre Le Juste vit de la Foi.

Il exprime naïvement dans une conversation combien l’Italie faisait peur aux bons Allemands. « Il suffit aux Italiens que vous regardiez dans un miroir pour qu’ils puissent vous tuer. Ils peuvent vous ôter tous