Page:Michelet - OC, Mémoires de Luther.djvu/16

Cette page n’a pas encore été corrigée

veuve de Jean Schweickard, qui eut pitié de voir errer ce jeune enfant. Les secours de cette femme charitable le mirent à même d’étudier quatre ans à Eisenach. En 1501, il entra à l’université d’Erfurth, où il fut soutenu par son père. Luther rappelle quelque part sa bienfaitrice par des mots pleins d’émotion, et il en a gardé reconnaissance aux femmes toute sa vie.

Après avoir essayé de la théologie, il fut décidé, par les conseils de ses amis, à embrasser l’étude du droit, qui conduisait alors aux postes les plus lucratifs de l’État et de l’Église. Mais il ne semble pas s’y être jamais livré avec goût. Il aimait bien mieux la belle littérature, et surtout la musique. C’était son art de prédilection. Il la cultiva toute sa vie, et l’enseigna à ses enfants. Il n’hésite pas à déclarer que la musique lui semble le premier des arts après la théologie. « La musique est l’art des prophètes ; c’est le seul qui, comme la théologie, puisse calmer les troubles de l’âme et mettre le Diable en fuite. » Il touchait du luth, jouait de la flûte. Peut-être eût-il réussi encore dans d’autres arts. Il fut l’ami du grand peintre Lucas Cranach. Il était, ce semble, adroit de ses mains, il apprit à tourner.

Ce goût pour la musique et la littérature, la lecture assidue des poètes qu’il mêlait aux études de la dialectique et du droit, tout cela n’annonçait point qu’il dût jouer un rôle si sérieux dans l’histoire de la religion. Diverses traditions porteraient à croire que, malgré son application, il partageait la vie des étudiants allemands de cette époque : cette gaieté dans l’indigence,