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sous la robe bigarrée de l’histoire. Ayant subi, embrassé l’humanité tout entière, elle en avait aussi les misères, les contradictions. Les petites sociétés hérétiques, ferventes par le péril et la liberté, isolées, et partant plus pures, plus à l’abri des tentations, méconnaissaient l’Église cosmopolite, et se comparaient avec orgueil. Le pieux et profond mystique du Rhin et des Pays-Bas, l’agreste et simple Vaudois, pur comme l’herbe des Alpes, avaient beau jeu pour accuser d’adultère et de prostitution Celle qui avait tout reçu, tout adopté. Chaque ruisseau pourrait dire à l’Océan, sans doute Moi, je viens de ma montagne, je ne connais d’eau que les miennes. Toi, tu reçois les souillures du monde. — Oui, mais je suis l’Océan.

Voilà ce qu’il faudrait pouvoir dire et développer. Aucun livre plus que celui-ci n’aurait besoin d’une Introduction. Pour savoir comment Luther fut obligé de faire et subir ce qu’il appelle lui-même la plus extrême des misères ; pour comprendre ce grand et malheureux homme qui remit en marche l’esprit humain à l’instant même où il croyait le reposer sur l’oreiller de la grâce ; pour apprécier cette tentative impuissante d’union entre Dieu et l’homme, il faudrait connaître les essais plus conséquents que firent, avant et après, les mystiques, les rationalistes, c’est-à-dire esquisser toute l’histoire de la religion chrétienne. Cette Introduction si nécessaire, peut-être dans quelque temps me déciderai-je à la donner.