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LES SOLDATS DE LA RÉVOLUTION

moral. Notre héros, pêcheur de profession, était âgé de trente-deux ans, lorsqu’il eut le bonheur de sauver sa paroisse de la dévastation que se promettaient d’y faire les Anglais. Marié depuis cinq ans, il avait deux enfants ; sa femme, brune, était, dit-il, assez jolie. Il a maintenant soixante-trois ans ; brun, l’œil noir et vif ; sa taille est de cinq pieds quatre pouces ; il est veuf et a perdu cinq fils qu’il regrette de ne pouvoir conduire aux frontières ; il parle assez bien, et raconte l’aventure d’une manière à faire plaisir.

« Mon ami, je t’assure que ce respectable citoyen mérite d’être connu de la nation entière, tant par sa bravoure, sa loyauté, que par son amour pour la liberté et son désintéressement. Quel homme à mettre en scène !

« Figure-toi les Anglais débarqués, cherchant à incendier le village d’Ostreitsam, et Cabier, seul, les faisant rembarquer en tirant quelques coups de fusil, battant la caisse et commandant son bataillon.

« Lorsque la Convention lui eut accordé un secours provisoire de six cents livres, Cabien, très pauvre, afficha à la porte de l’église de son village que ses créanciers aient à venir le trouver, qu’il avait reçu un bienfait de la nation, que son dessein était de les payer tous, ce qu’il fit sur-le-champ, après quoi, du reste de la somme il fit couvrir sa chaumière. Sa pension ne lui a pas encore été payée. Sur ses vieux jours, il a failli mourir de faim après une si belle action. » (Rousselin, II, 76).


Dans les fragments qui suivent se révèle le tendre respect de Hoche pour les veuves-mères :


« J’intéresserai sans doute votre humanité, écrit-il à des représentants du peuple, en vous disant que le citoyen Mermet vient, ainsi que son fils, d’être tué dans une des dernières affaires. Ces deux braves militaires, l’un commandant le premier bataillon du trente-neuvième régiment, l’autre porte-drapeau, sont expirés sur le champ de bataille. Que ne doit-on pas à une femme, veuve et mère infortunée de défenseurs de la patrie, surtout si elle n’a d’autre fortune que les deux êtres malheureux qui la secouraient dans sa vieillesse ! (II, 93).

« … Dejean était mon ami de cœur. Permettez-moi, représentants, de recommander à la bienveillance nationale une mère qui n’avait d’autre soutien que son digne fils. il a bien mérité