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LES SOLDATS DE LA RÉVOLUTION

une mélodie de jeunesse, comme un pressentiment des temps que nous ne verrons point ; temps heureux où l’instinct du bien, du sacrifice, sera tout naturel, s’ignorera lui-même, ne sera plus, comme sont aujourd’hui nos vertus, le fruit de longs et durs combats. Sa science eut tout le charme et l’ingénuité de l’innocence.

« Ses yeux néanmoins, par moment, se voilaient de quelque tristesse, comme si l’ombre de l’avenir et d’une mort précoce s’était à son insu projetée sur son âme.

« Sa nature de poète tendait à je ne sais quelle langueur, à une certaine délicatesse féminine, amie du repos. Et, avec tout cela, l’extrême mobilité de ses sensations, sa vive excitation nerveuse le jetaient à chaque instant dans une grande inquiétude physique.

« Il était d’un caractère, d’un cœur faciles, heureux de pouvoir, dès qu’il aimait, s’abandonner à la confiance, comme l’enfant dans les bras. maternels. Et pourtant, il était très ferme dans tout ce qui touchait à sa foi.

« Il était sensible aux parfums des fleurs comme une femme. Beau, mais très peu occupé de lui.

« Souvent, pour le faire sourire, je l’appelais Sténio, ce poète né pour vivre des mélodies de la lyre et des images de la beauté. Mais un moment d’inspiration, un pressentiment d’avenir, d’unité italienne, une parole de vertu sévère, lui faisaient briller dans les yeux la flamme des pensées fortes. Et alors, vous auriez dit qu’il n’était né que pour tirer l’épée ! »