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LES GUETTES DE DÉLIVRANCE

En deux mois, la Révolution avait, tout autour, inondé ses rivages ; elle montait comme le Nil, salutaire et féconde, parmi les bénédictions des hommes.

Le plus merveilleux, dans cette conquête admirable, c’est que ce n’était pas une conquête. Ce n’était rien autre chose qu’un mutuel élan de fraternité. Deux frères, longtemps séparés, se retrouvent, s’embrassent : voilà cette grande et simple histoire.

Belle victoire ! l’unique ! et qui ne s’est revue jamais ! il n’y avait pas de vaincus.

La France ne donna qu’un coup et la chaîne fut brisée. Elle frappa ce coup à Jemmapes. Elle le frappa avec l’autorité de la loi, en chantant son hymne sacré. Les soldats barbares frémirent dans leurs redoutes, sous trois étages de feux, lorsqu’ils virent venir un chœur de cinquante mille hommes qui marchaient à eux en chantant : « Allons, enfants de la patrie ! »

Tous les peuples répétèrent : « Allons, enfants de la France » et se jetèrent dans nos bras.

C’était un spectacle étrange. Nos chants faisaient tomber toutes les murailles des villes. Les Français arrivaient aux portes avec le drapeau tricolore. Ils les trouvaient ouvertes. Seulement ils ne pouvaient passer. Tout le monde venait à leur rencontre et les reconnaissait sans les avoir jamais vus. Les hommes les embrassaient ; les femmes les bénissaient ; les enfants les désarmaient. On leur prenait des mains leur drapeau, et tous disaient « C’est le nôtre ! »

Grande et bonne journée pour nos nouveaux amis ! ils gagnaient pour nous en un jour toute la conquête des siècles. Cet héritage de raison et de liberté, pour