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LES SOLDATS DE LA RÉVOLUTION

cœur d’homme, tant dur et perfide fût-il, qui ne changeât, devant ce spectacle unique de la rencontre des peuples courant l’un à l’autre en frères et pleurant dans l’émotion du premier embrassement.

Tous ces héros fraternels, avec leur touchant esprit de dévouement et de sacrifice, ils se perdirent et s’absorbèrent dans les glorieuses légions dont chacune fut pour eux une France sur la terre étrangère. Ces admirables soldats, partis pour tant d’années de guerre, et qui la plupart ne devaient pas revenir, avaient emporté la patrie dans ces grandes sociétés héroïques qui étaient alors les armées. Où qu’ils fussent, c’était la France.

Et c’est la France encore aujourd’hui, et à jamais, partout où ses amis fidèles ont ensemble laissé leurs os.

Étrangers qui regardez avec respect et terreur ces collines d’ossements qu’ont laissées chez vous nos grandes légions, sachez qu’elles ne furent pas seulement terribles, mais vénérables. Ce qui leur donna la victoire et cette redoutable unité dans le combat, ce fut l’unité des cœurs et la confraternité. Gardez-vous de faire seulement honneur de ces choses à tel ou tel homme. Des monuments seront élevés (quand la France se réveillera) à ces prodigieuses armées à elles, non à leurs généraux. Les hommes de guerre habiles ne garderont pas pour eux seuls la gloire d’un peuple de héros. C’est assez et c’est beaucoup que les noms et les images de ces heureux capitaines soient inscrits à leur vraie place, au pied même du monument.