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LES GUETTES DE DÉLIVRANCE

on menace ceux qui quitteraient avant l’année, c’est que, « pendant dix ans, ils seront privés de l’honneur d’être soldats ».

Voilà un peuple bien changé ! Rien ne l’effrayait plus, avant la Révolution, que le service militaire. J’ai sous les yeux ce triste aveu de Quesnay : « Les fils de fermiers ont tellement l’horreur de la milice qu’ils aiment mieux quitter les campagnes et vont se cacher dans les villes. » (Encyclopédie, article Fermiers, page 537.)

Qu’est devenue maintenant la race timide et servile qui portait la tête si bas, la bête encore à quatre pattes ? Je ne peux plus la trouver. Aujourd’hui, ce sont des hommes.

Il n’y eut jamais un labour d’octobre comme celui de 91, celui où le laboureur, sérieusement averti par Varennes et par Pilnitz, songea pour la première fois, roula en esprit ses périls et toutes les conquêtes de la Révolution qu’on voulait lui arracher. Son travail, animé d’une indignation guerrière, était déjà pour lui une campagne en esprit. Il labourait en soldat, imprimait à la charrue le pas militaire, et, touchant ses bêtes d’un plus sévère aiguillon, criait à l’une : Hue ! la Prusse ! à l’autre : Va donc, l’Autriche ! Le bœuf marchait comme un cheval, le soc allait âpre et rapide, le noir sillon fumait plein de souffle et de vie.

À Paris, dans le Jura et ailleurs, les femmes déclaraient que les hommes pouvaient partir, qu’elles s’armeraient de piques, qu’elles suffiraient bien au service intérieur. Elles avaient si vivement senti, pour leurs familles et leurs enfants, le bienfait de