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LES SOLDATS DE LA RÉVOLUTION

et demie dans les ténèbres, ayant sur eux l’artillerie des forts. Le temps, qu’on désirait mauvais, le fut bien plus qu’on ne voulait. Ce fut un froid orage, qui, venant avec la marée, poussait la vague contre le chemin qu’on suivait, la lançait au visage. On marchait en pleine eau jusqu’à la ceinture. Les fusils se mouillaient et l’on ne pouvait plus compter que sur les baïonnettes. Le chemin devint si étroit, qu’on ne marchait plus qu’à la file le long de cette mer terrible. Une ombre suivait, allait, venait, reconnaissait les chefs, les nommait, les encourageait. Il était là, le bien-aimé et l’intrépide, les réchauffant de son grand cœur.

Mais la montée commence. On n’y voit goutte. On suit David. Ces gradins de cinq ou six pieds qu’il faut escalader, ce fin petit chemin de dix-huit pouces qui en fait le rebord, tout cela étonne un peu nos jeunes soldats, sans parler de l’abîme noir qu’on a dessous, l’aboiement de la folle mer.

Plusieurs à ce moment (Moreau de Jonnès l’avoue), se ressouvinrent de leur enfance et se mirent à dire leurs prières.

Au haut de la plate-forme, la garde s’abritait de la tempête, du vent furieux. Le petit mur est sauté au cri de « Vive la République ! » Tout est tué. On se précipite en bas dans le retranchement où étaient les batteries. Il était temps. Elles tonnaient déjà. À la première lueur de l’aube, on avait distingué une longue ligne noire ; la colonne Humbert s’avançait. On tirait, quand les canonniers furent pris, assommés sur leurs pièces.

Cependant, avertie par le bruit, une chaloupe