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LES FEMMES DE LA RÉVOLUTION

bien qu’il donnait fraternellement ses cartouches aux gardes nationaux de Versailles.

D’Estaing fit dire alors à ceux-ci de se retirer. Quelques-uns partent ; d’autres répondent qu’ils ne s’en iront pas que les gardes du corps ne soient partis les premiers. Ordre aux gardes de défiler. Il était huit heures, la soirée fort sombre. Le peuple suivait, pressait les gardes avec des huées. Ils avaient le sabre à la main, ils se font faire place. Ceux qui étaient à la queue, plus embarrassés que les autres, tirent des coups de pistolet ; trois gardes nationaux sont touchés, l’un à la joue, les deux autres reçoivent les balles dans leurs habits. Leurs camarades répondent, tirent aussi. Les gardes du corps ripostent de leurs mousquetons.

D’autres gardes nationaux entraient dans la cour, entouraient d’Estaing, demandaient des munitions. Il fut lui-même étonné de leur élan, de l’audace qu’ils montraient, tout seuls au milieu des troupes : « Vrais martyrs de l’enthousiasme », disait-il plus tard à la reine.

Un lieutenant de Versailles déclara au garde de l’artillerie que, s’il ne donnait de la poudre, il lui brûlerait la cervelle. Il lui en livra un tonneau qu’on défonça sur la place, et l’on chargea des canons qu’on braqua, vis-à-vis la rampe, de manière à prendre en flanc les troupes qui couvraient encore le château, et les gardes du corps qui revenaient sur la place.

Les gens de Versailles avaient montré la même fermeté de l’autre côté du château. Cinq voitures se présentaient à la grille pour sortir ; c’était la