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DESAIX

donnèrent dès lors l’avant-garde et le firent général de division.

C’étaient les temps de la famine. Ils révélèrent en lui le héros de la patience et de l’humanité. Ses soldats, le voyant manger comme eux, jeûner comme eux, n’avaient plus le courage de se plaindre. Sobre enfant de l’Auvergne, il mangeait son pain noir, quand on avait du pain, et il buvait de l’eau. Le jour, la nuit, il allait aux bivouacs, causait avec ses hommes du mauvais temps et des privations communes. Il leur donnait ce qu’il avait. Bon pour tous, il avait quelque faible pour ses Auvergnats, leur prêtait parfois de l’argent, à ne rendre jamais.

Un jour, des commissaires des guerres s’avisèrent de lui faire un présent de vins, de vivres. Il accepta avec reconnaissance, et donna tout aux hôpitaux.

L’argent des princes d’Allemagne, leurs caisses restées derrière eux dans leur suite, furent mis fidèlement par Desaix à la caisse de l’armée. Il n’y eut jamais moyen de lui faire accepter les présents qu’on donne ordinairement aux traités de paix. Donc, il rentra en France pauvre, léger et net de toutes choses, si bien qu’à Neuf-Brisach, si l’on n’avait payé pour lui, il se fût couché sans souper.

Dans cette glorieuse campagne de Hoche qui débloqua Landau et nous rendit le Rhin, notre frontière de l’Est, la Lorraine et l’Alsace, une grande part revenait à son lieutenant, Desaix. Il rentre, et il est dénoncé la seconde fois. Son bien est saisi encore, sa mère emprisonnée. Nul murmure, nul reproche. Dans la campagne même, à la première blessure, il