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LES SOLDATS DE LA RÉVOLUTION

disaient bien des choses. Leurs traits se marquaient moins ; mais d’autant plus en eux, dans ces ombres imposantes, je sentais le vrai fond, l’âme commune des masses qu’ils ont représentées. Ils ne furent pas des hommes seulement, mais en réalité des armées tout entières. Ils en eurent la grande âme. Ils en furent à la fois et les pères et les fils.

Et quand parfois, en les regardant ; je me demandais ce qui faisait la tristesse de ces fiers et doux visages :

« Ce n’est point, me disaient-ils, notre mort précoce, notre destin inachevé. Notre vie courte n’en fut pas moins entière. Nous fûmes les soldats de la loi, nous mourûmes avec la République. De quoi nous plaindrions-nous ? Ce qui met sur nos visages le nuage que tu vois, c’est que nous ne sommes pas morts tranquilles ; nous avons entrevu déjà qu’on ne continuerait point. Nous avons vu commencer ce qui nous fut odieux, l’adoration du succès et la religion de la force. »