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LES FEMMES DE LA RÉVOLUTION

est Mirabeau ? disaient-elles encore, nous voudrions bien voir notre comte de Mirabeau ! »

Mounier, baisé, entouré, étouffé presque, se mit tristement en route avec la députation et une foule de femmes qui s’obstinaient à le suivre. « Nous étions à pied dans la boue, dit-il ; il pleuvait, à verse. Nous traversions une foule mal vêtue, bruyante, bizarrement aimée. » Des gardes du corps faisaient des patrouilles, et passaient au grand galop. Ces gardes voyant Mounier et les députés, avec l’étrange cortège qu’on leur faisait par honneur, crurent apparemment voir là les chefs de l’insurrection, voulurent dissiper cette masse, et coururent tout au travers. Les inviolables échappèrent comme ils purent, et se sauvèrent dans la boue. Qu’on juge de la rage du peuple, qui se figurait qu’avec eux il était sûr d’être respecté !

Deux femmes furent blessées, et même de coups de sabre, selon quelques témoins[1]. Cependant le peuple ne fit rien encore. De trois heures à huit heures du soir, il fut patient, immobile, sauf des cris, des huées, quand passait l’uniforme odieux des gardes du corps. Un enfant jeta des pierres.

On avait trouvé le roi ; il était revenu de Meudon sans se presser. Mounier, enfin reconnu, fut reçu avec douze femmes. Il parla au roi de la misère de Paris, aux ministres de la demande de l’Assemblée, qui attendait l’acceptation pure et simple de la Déclaration des droits et autres articles constitutionnels. Le roi cependant écoutait les femmes avec

  1. Si le roi défendit d’agir, comme on l’affirme, ce fut plus tard et trop tard.