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LA TOUR D’AUVERGNE

Infatigable travailleur, là même, dans cette prison mélancolique, aux extrémités du pays de Galles, La Tour d’Auvergne poursuivait stoïquement ses études. Ce fut une joie pour lui, dans son chagrin, de remarquer l’identité des idiomes gallois et bretons ; peuples frères, que l’Océan, les guerres ont malheureusement séparés.

Riche d’étude et très pauvre d’argent, il sort enfin. Mais que de changements ! Voilà le Directoire, l’affaissement de la France ; voilà à l’horizon un astre inconnu qui parait, astre nouveau, peu rassurant ; hélas pour l’ami de la liberté !

Chose triste, et qui peint ces temps dans l’organisation nouvelle, La Tour d’Auvergne ne trouva plus sa place.

Il fut mis à la retraite.

Pauvre, à Passy, il vécut seul, sans domestique ; il se servait lui-même. Il publia enfin ses fameuses Origines gauloises, la pensée de sa vie.

Le duc de Bouillon, son protecteur d’autrefois, aujourd’hui protégé par lui et rayé à sa prière de la liste des émigrés, rougissait de le voir dans cette grande pauvreté. Il voulait lui faire accepter le revenu d’une terre de dix mille livres de rentes. Qu’en aurait-il fait, lui qui vivait avec deux sous de lait par jour ? Il refusa.

Ce ne fut même pas sans peine que le ministre de la guerre, le sachant dans le besoin, lui fit accepter un secours militaire. Il voulait lui donner quatre cents francs. « C’est trop, dit La Tour d’Auvergne, donnez-moi cent vingt francs ; si j’ai besoin, je reviendrai en reprendre un autre jour. »