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LA TOUR D’AUVERGNE

titres examinés, il le reconnut non seulement pour son parent, mais, ce que Corret ne demandait pas ; pour son sujet au duché de Bouillon, pour y jouir, dit-il, « de tous les avantages dont peuvent jouir nos vrais et originaires sujets ».

Reconnu cousin des Turenne, La Tour d’Auvergne, ne réussit guère mieux. L’impatience le prit. Il demande un congé et part pour le siège de Mahon. Les Français, sous le duc de Crillon, aidaient, alors les Espagnols à reprendre Manon aux Anglais.

Voilà notre homme enfin en pleine guerre, dans son élément naturel, ne se souvenant plus qu’il est malade, étudiant, combattant, passant trois nuits sur quatre au bivouac, toujours en avant à toutes les affaires, déployant à sa première campagne les qualités d’un vieux soldat ; c’est le témoignage que lui rend le général : « Froid, clairvoyant aux occasions, répondant en tous points aux qualités admirables et infatigables de la nation espagnole. »

Il avait une valeur calme et sereine, et, si l’on peut dire, aimable et douce. Il faisait, dans sa simplicité, tout naturellement, des actes de la plus grande audace. Crillon, charmé, lui donna un jour l’équipement complet d’un caporal anglais qu’il avait pris de sa main dans les rangs ennemis.

Une autre fois, après une attaque, étant rentré au camp, on s’aperçoit qu’un pauvre diable d’Espagnol est resté blessé sur les glacis de la place, « J’y vais », dit La Tour d’Auvergne. Il fallait passer sous le feu de la ville et des vaisseaux. Il s’en va au petit pas, charge l’homme sur son dos au milieu d’une grêle de balles et revient tranquillement.