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LES FEMMES DE LA RÉVOLUTION

Lucile, cras enim moriemur. » Il parla néanmoins de son dévouement et de sa résolution d’une manière si touchante, que Lucile courut l’embrasser. « Laissez-le, dit-elle, laissez-le, qu’il remplisse sa mission : c’est lui qui sauvera la France… Ceux qui pensent autrement n’auront pas même de mon chocolat. »

Fréron, l’ami de Camille, l’admirateur passionné de sa femme, venait d’écrire la part qu’il avait eue à la prise de Toulon, et comment il avait monté aux batteries l’épée à la main. Je croirais très volontiers que Camille désira d’autant plus s’honorer aux yeux de Lucile : il n’était qu’un grand écrivain, il voulut être un héros.

Le septième numéro du Vieux Cordelier, si hardi contre les deux comités gouvernants, le huitième contre Robespierre (publié en 1836), perdirent Camille et le firent envelopper dans le procès de Danton.

La vive émotion qu’excita le procès, la foule incroyable qui entoura le Palais de Justice dans une disposition favorable aux accusés, faisaient croire que, si les prisonniers du Luxembourg parvenaient à sortir, ils pourraient entraîner le peuple. Mais la prison brise l’homme ; aucun n’avait d’armes, et presque aucun de courage.

Une femme leur en donna. La jeune femme de Desmoulins errait, éperdue de douleur, autour de ce Luxembourg. Camille était là, collé aux barreaux la suivant des yeux, écrivant les choses les plus navrantes qui ont jamais percé le cœur de l’homme. Elle aussi s’apercevait à cet horrible moment,