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LES FEMMES DE LA RÉVOLUTION

la main, elle dit d’une voix entrecoupée « Oui, je le reconnais, je le reconnais… »

Fouquier-Tinville fit observer qu’elle avait frappé d’en haut, pour ne pas manquer son coup ; autrement elle eût pu rencontrer une côte et ne pas tuer ; et il ajouta : « Apparemment, vous vous étiez d’avance bien exercée ?… — Oh le monstre s’écria-t-elle. Il me prend pour un assassin ! »

Ce mot, dit Chauveau-Lagarde, fut comme un coup de foudre. Les débats furent clos. Ils avaient duré en tout une demi-heure.

Le président Montané aurait voulu la sauver. Il changea la question qu’il devait poser aux jurés, se contentant de demander « L’a-t-elle fait avec préméditation ? » et supprimant la seconde moitié de la formule : « avec dessein criminel et contre-révolutionnaire ? » Ce qui lui valut à lui-même son arrestation quelques jours après.

Le président pour la sauver, les jurés pour l’humilier, auraient voulu que le défenseur la présentât comme folle. Il la regarda et lut dans ses yeux ; il la servit comme elle voulait l’être, établissant la longue préméditation, et que pour toute défense elle ne voulait pas être défendue. Jeune et mis au-dessus de lui-même par l’aspect de ce grand courage, il hasarda cette parole (qui touchait de si près l’échafaud) : « Ce calme et cette abnégation, sublimes sous un rapport… »

Après la condamnation, elle se fit conduire au jeune avocat, et lui dit, avec beaucoup de grâce, qu’elle le remerciait de cette défense délicate et généreuse, qu’elle voulait lui donner une preuve de