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Mlle KÉRALIO

« Il était midi ; M. et Mme Robert parlèrent d’aller chez eux, où tout devait être en désordre : je leur dis que, par cette raison, s’ils voulaient accepter ma soupe avant de partir, je la leur ferais servir de bonne heure ; ils me répliquèrent qu’ils aimaient mieux revenir, et s’engagèrent ainsi en sortant. Je les revis effectivement vers trois heures ; ils avaient fait toilette ; la femme avait de grandes plumes et beaucoup de rouge ; le mari s’était revêtu d’un habit de soie, bleu céleste, sur lequel ses cheveux noirs, tombant en grosses boucles, tranchaient singulièrement. Une longue épée à son côté ajoutait à son costume tout ce qui pouvait le faire remarquer. Mais, bon Dieu ces gens sont-ils fous ! me demandai-je à moi-même ? Et je les regardais parler, pour m’assurer qu’ils n’eussent point perdu l’esprit. Le gros Robert mangeait à merveille, et sa femme jasait à plaisir. Ils me quittèrent enfin, et je ne les revis plus, ni ne parlai d’eux à personne.

« De retour à Paris, l’hiver suivant, Robert, rencontrant Roland aux Jacobins, lui fit d’honnêtes reproches, ou des plaintes de politesse, de n’avoir plus eu aucune espèce de relation avec nous ; sa femme vint me visiter plusieurs fois, m’inviter, de la manière la plus pressante, à aller chez elle deux jours de la semaine, où elle tenait assemblée, et où se trouvaient des hommes de mérite de la législature : je m’y rendis une fois ; je vis Antoine, dont je connaissais toute la médiocrité, petit homme, bon à mettre sur une toilette, faisant de jolis vers, écrivant agréablement la bagatelle, mais sans consistance et sans caractère. Je vis des députés patriotes