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LES FEMMES DE LA RÉVOLUTION

le Républicanisme adapté à la France. Mlle Kéralio, née noble, élevée dans le monde de l’Ancien-Régime, se jeta avec ardeur dans le mouvement. Son mariage la transportait au plus brûlant foyer de l’agitation parisienne, au club des Cordeliers. Le jour où les chefs cordeliers, arrêtés ou en fuite, manquèrent au dangereux poste de l’autel de la patrie, elle y fut, elle y agit, et, de la main de son mari, fit l’acte décisif.

La chose n’était pas sans péril. Quoiqu’on ne prévît pas le massacre que firent le soir les royalistes et les soldats de La Fayette, le Champ de Mars avait été témoin, dès le matin, d’une scène fort tragique, d’une plaisanterie fatale qui aboutit à un acte sanglant. Quelque triste et honteux que soit le détail, nous ne pouvons le supprimer ; il tient trop à notre sujet.

Les gentilshommes royalistes étaient rieurs. Dans leurs Actes des apôtres et ailleurs, ils faisaient de leurs ennemis d’intarissables gorges chaudes. Ils s’amusèrent spécialement de l’éclipse des chefs cordeliers, des coups de bâton que tels d’entre eux reçurent de la main des Fayettistes. Les royalistes de bas étage, ex-laquais, portiers, perruquiers, avaient leurs farces aussi ; ils jouaient, quand ils l’osaient, des tours aux révolutionnaires. Les perruquiers spécialement, ruinés par la Révolution, étaient de furieux royalistes. Agents, messagers de plaisirs, sous l’Ancien-Régime, témoins nécessaires du lever, des plus libres scènes d’alcôve, ils étaient aussi généralement libertins pour leur propre compte. L’un d’eux, le samedi soir, la veille du 17 juillet, eut une idée qui ne pouvait guère tomber que dans la tête d’un libertin désœuvré ; ce fut d’aller