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LES VENDÉENNES EN 90 ET 91

De telles scènes, racontées, répétées, surchargées d’ornements pathétiques, troublaient tous les esprits. Les hommes commençaient à s’émouvoir presque autant que les femmes. Étonnant changement, et bien rapide ! Le paysan, en 88, était en guerre avec l’Église pour la dîme, toujours tenté de disputer contre elle. Qui donc l’avait si bien, si vite réconcilié avec le prêtre ? La Révolution elle-même, en abolissant la dîme. Par cette mesure plus généreuse que politique, elle rendit au prêtre son influence sur les campagnes. Si la dîme eût duré, jamais le paysan n’eût cédé à sa femme, n’eût pris les armes contre la Révolution.

Les prêtres réfractaires, réunis au chef-lieu, connaissaient parfaitement cet état des campagnes, la profonde douleur des femmes, la sombre indignation des hommes. Ils en tirèrent un grand espoir, et entreprirent de le communiquer au roi. Dans une foule de lettres qu’ils lui écrivent, ou lui font écrire au printemps de 92, ils l’encouragent à tenir ferme, à n’avoir pas peur de la Révolution, à la paralyser par l’obstacle constitutionnel, le veto. On lui prêche la résistance sur tous les tons, par des arguments variés, et sous des noms de personnes diverses. Tantôt ce sont des lettres d’évêques, écrites en phrases de Bossuet « Sire, vous êtes le roi très chrétien… Rappelez-vous vos ancêtres… Qu’aurait fait saint Louis ? » etc. Tantôt, des lettres écrites par des religieuses, ou en leur nom, des lettres gémissantes. Ces plaintives colombes, arrachées de leur nid, demandent au roi la faculté d’y rester, d’y mourir. Autrement dit, elles veulent que le roi arrête l’exécution des lois relatives