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4 LE PEUPLE propriété avant la Révolution. Mon enquête sur le vif m’apprit de même beaucoup de choses qui ne sont point dans les statistiques. J’en citerai une, que l’on trouvera peut-être indifférente, mais qui pour moi est importante, digne de toute attention. C’est l’immense acquisition du linge de coton qu’ont faite les ménages pauvres vers 1842, quoique les salaires aient baissé, ou tout au moins diminué de valeur par la diminution naturelle du prix de l’argent. Ce fait, grave en lui-même, comme progrès dans la propreté qui tient à tant d’autres vertus, l’est plus encore en ce qu’il prouve une fixité croissante dans le ménage et la famille, l’influence surtout de la femme qui, gagnant peu par elle-même, ne peut faire cette dépense qu’en y appliquant une partie du salaire de l’homme. La femme, dans ces ménages, c’est l’économie, l’ordre, la providence. Toute influence qu’elle gagne, est un progrès dans la moralité’. Cet exemple n’était pas sans utilité pour montrer combien les documents recueillis dans les statistiques et autres ouvrages d’économie, en les supposant exacts, sont insuffisants pour faire comprendre le 1. Cette prodigieuse acquisition de linge dont tous les fabricants peuvent témoigner fait supposer aussi quelque acquisition de meubles et objets de ménage. Il ne faut pas s’étonner si les caisses d’épargne reçoivent moins de l’ouvrier que du domestique. Celui-ci n’achète point de meubles, et peu de nippes il trouve bien moyen de se faire nipper par ses maîtres. Il ne faut pas mesurer, comme on fait, le progrès de l’économie à celui des caisses d’épargne, ni croire que tout ce qui n’y va pas se boit, se mange au cabaret. 11 semble que la famille, je parle surtout de la femme, ait voulu avant tout rendre propre, attachant, agréable, le petit intérieur qui dispense d’y aller. De là aussi le goût des fleurs qui descend aujourd’hui dans des classes voi- sines de la pauvreté.