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INTRODUCTION

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j’ai jeté les yeux sur les livres où elles sont agitées, j’avoue que j’ai été surpris de les trouver presque tous en contradiction avec mes souvenirs. Alors, j’ai fermé les livres, et je me suis replacé dans le peuple autant qu’il m’était possible ; l’écrivain solitaire s’est replongé dans la foule, il en a écouté les bruits, noté les voix. C’était bien le même peuple, les changements sont extérieurs ma mémoire ne me trompait point. J’allai donc consultant les hommes, les entendant eux-mêmes sur leur propre sort, recueillant de leur bouche ce qu’on ne trouve pas toujours dans les plus brillants écrivains, les paroles du bon sens. Cette enquête, commencée à Lyon, il y a environ dix ans, je l’ai- suivie dans d’autres villes, étudiant en même temps auprès des hommes pratiques, des esprits les plus positifs, la véritable situation des campagnes si négligées de nos économistes. Tout ce que j’amassai ainsi de renseignements nouveaux qui

ne sont dans aucun livre, c’est ce qu’on aurait peine à croire. Après la conversation des hommes de génie et des savants très- spéciaux, celle du peuple est certainement la plus instructive. Si l’on ne peut

causer avec Béranger, Lamennais ou Lamartine, il faut s’en aller dans les champs et causer avec un paysan. Qu’apprendre avec ceux du milieu ? Pour les salons, je n’en suis sorti jamais sans trouver mon cœur diminué et refroidi.

Mes études variées d’histoire m’avaient révélé des faits du plus grand intérêt que taisent les historiens, les phases par exemple et les alternatives de la petite