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six mois de l’année ni le mulet ni l’homme ne se hasarderaient. La fameuse brèche de Roland qu’il ouvrit de sa Durandal était naguère encore à grand’peine franchie par le contrebandier, le bandit poursuivi. Mais outre ces obstacles entre les deux royaumes, les Pyrénées, par les âpres collines qui leur servent de contreforts, séparent profondément les vallées, les populations que l’on trouve à leurs pieds. Tribus fort discordantes. Auprès des Basques (Ibères) vous trouvez les Celtes gascons ; aux deux bouts (Perpignan, Bayonne) abonde l’émigration Moresque.

Innombrables contrastes dans la langue et dans les costumes. Même aujourd’hui beaucoup se voient aux foires de Tarbes. Souvent à la fois on y trouve le bonnet blanc du Bigorre, le brun de Foix, le rouge du Roussillon, quelquefois même le grand chapeau plat d’Aragon, le chapeau rond de Navarre, le bonnet pointu de Biscaye. Le voiturier basque y viendra sur son âne avec sa longue voiture à trois chevaux ; il porte le béret du Béarn ; mais vous distinguerez bien vite le Béarnais et le Basque ; le joli petit homme sémillant, qui a la langue si prompte, la main aussi, et le fils de la montagne, qui la mesure rapidement de ses grandes jambes, agriculteur habile et fier de sa maison dont il porte le nom.

Les austères Pyrénées ne sourient qu’une fois, au point central d’où part l’aimable fleuve, un peu fantasque, la Garonne : c’est un fleuve à surprises. Joyeuse fille de la plus sombre mère, la noire Maladetta, elle s’amuse d’abord aux prairies ; mais une chute de