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grands fleuves descendent en sens inverse, l’un à l’est, l’autre à l’ouest ; l’Èbre à la Méditerranée, la Garonne à l’Océan. Mais l’Èbre va roide et droit. Dans la courbe de la Garonne s’inscrit, non sans quelque grâce, le beau torrent de l’Adour.

Leur sublime est dans la lumière, dans les ardentes couleurs, dans les éclairs fantastiques dont les couronne à toute heure ce monde âpre du midi qu’elles cachent, qu’on voudrait voir. Là il faut bien avouer que les Alpes cèdent et pâlissent. Aux Pyrénées, les verts d’eau si singuliers de leurs gaves, certaines prairies d’émeraude, en contraste avec leurs ruines, le marbre vert, le marbre rouge qui perce le noir rocher, tout cela est fort à part.

Un miracle incessamment se fait voir à leurs sommets, une transfiguration constante, dans un certain léger bleuâtre, dans l’inexprimable rosé (qui passe entre l’aube et l’aurore), dans la pourpre, dans les ors et dans les flammes du soir. Cela varie selon l’heure, mais non moins selon la distance ; à trente lieues, à vingt lieues, à dix, tout est différent. Vous avez saisi le pinceau, et vous croyez les fixer. Un pas de plus dans la plaine, tout change. Ces montagnes fées ont pris un autre visage. Leur charme léger du matin, à midi, c’est l’austérité.

Dans un été chaud, orageux, que je passai à Montauban, j’avais, sur le Tescou, le Tarn, sur l’immense et énorme plaine, une fenêtre qui planait de haut, fenêtre extrêmement large, comme une galerie vitrée. Toute la ligne des Pyrénées, de Bayonne au Pic du