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solitude. Notre chambre fut pour nous toute la ville. Au dehors, seulement ; un cercle de bois, parcouru à pied ; donc assez petit. Ce cercle m’étreignait un peu, dans les grandes chaleurs où le soleil miroite sur le grès. Mais dans cette chaleur sèche la pensée ne mollit point. Je pus suivre et creuser la mienne, avec suite et persévérance, ayant, chose rare dans la vie, une grande unité harmonique d’idées et de sentiments, que je ne voulais nullement varier, mais approfondir. Je sortais seul à midi, et je marchais quelque peu dans la forêt morne et muette, sablonneuse, sans souffle et sans voix. J’y emportais mon sujet, et croyais l’y trouver dans cet infini de sable que couvre un infini de feuilles. Mais combien plus vaste encore celui de la vie animée, l’abîme des imperceptibles où j’aurais voulu descendre ! Tout ce que dit Senancour de Fontainebleau est vrai pour l’homme de vague rêverie qui n’apporte pas là une pensée dominante. Oui, le paysage « est petit généralement, morne, bas, solitaire, sans être sauvage ». Les animaux y sont rares : on sait, à un près, le nombre des daims. Les oiseaux n’y sont pas nombreux. Peu ou point de sources visibles. Cette absence apparente d’eau contriste surtout celui qui vient des Alpes, qui a encore la fraîcheur de leurs innombrables fontaines, et dans les yeux la lumière de leurs lacs, ces charmants et grandioses miroirs. Là, tout est clair, lumineux, par les eaux et les neiges. Ici, tout est obscur. Ce petit coin, fort à part dans la France, est une énigme. Il vous montre ces grès morts sans trace de vie ; il vous montre, aujourd’hui