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la mer du Sud, qui pavent littéralement (les derniers sondages le prouvent) les douze cents lieues de mer qui nous séparent de l’Amérique, ces mollusques sont qualifiés par plusieurs naturalistes du nom d’insectes embryonnaires, de sorte que leurs tribus fécondes arrivent comme une dépendance de ce peuple supérieur, on dirait des candidats à la dignité d’insecte.

Cela est grand. Ce qui pourtant me fait regretter le petit monde de l’oiseau, de ce charmant compagnon qui me porta sur ses ailes, ce ne sont pas ses concerts, ce n’est même pas le spectacle de sa vie légère et sublime. Mais c’est qu’il m’avait compris !

Nous nous entendions, nous aimions, et nous échangions nos langages. Je parlais pour lui, il chantait pour moi.

Tombé du ciel à l’entrée du sombre royaume, en présence du mystérieux et muet fils de la nuit, quel langage vais-je inventer, quels signes d’intelligence, et comment m’ingénier pour trouver moyen d’arriver à lui ? Ma voix, mes gestes, n’agissent sur lui qu’en le faisant fuir. Point de regard dans ses yeux. Nul mouvement sur son masque muet. Sous sa cuirasse des guerre, il demeure impénétrable. Son cœur (car il en a un) bat-il à la manière du mien ? Ses sens sont infiniment subtils, mais sont-ils semblables à mes sens ? Il semble même qu’il en ait à part, d’inconnus, encore sans nom.

Il nous échappe ; la nature lui crée, à l’égard de l’homme, un alibi continuel. Si elle le montre un moment dans un seul éclair d’amour, elle le cache des années au fond de la terre ténébreuse ou dans le sein discret des chênes. Trouvé, pris, ouvert,