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souvient que le monde était d’un côté, Copernik, Galilée, de l’autre ?

Aucune des fausses grandeurs ne se soutient devant les Alpes. Aucune autorité mondaine n’y garde son faux prestige. Une seule subsiste ici : raison, vérité, conscience.

J’avais senti quelque chose de cela près du mont Blanc, lorsqu’en 1865 fut écrite la première page de ce livre. Je le retrouvai plus encore en juillet 1867, dans les heures de solitude que j’eus à Pontrésina. Quand nos voyageurs couraient le pays, faisaient leurs ascensions, moi aussi je faisais la mienne. Pour la seconde fois, cette idée, vive et nette de la montagne, me revenait à l’esprit : « Elle est une initiation. »


Il est intéressant de voir comment, peu avant le réveil de 89, le grand dix-huitième siècle reprit dans la Nature même le sentiment héroïque.

Voltaire, qu’on croyait tout art, homme de ville et de salon, aveugle pour la nature, dans ses vers au lac de Genève, poussa le premier cri (sublime). Rousseau prit le cadre des Alpes pour son Vicaire savoyard, en mit l’accent ferme, hardi, aux Lettres de la montagne.

Deux grands cœurs révolutionnaires, monsieur et madame Roland, allèrent, avant l’action, y tremper leur stoïcisme.

Les Suisses ont de belles chroniques qui racontent de grandes choses, mais ils ont trop négligé d’en consacrer la mémoire par les monuments de pierre qui pour tant de générations restent une prédication muette. Un Français, au point central où le lac des