Page:Michelet - OC, L’Amour, La Femme.djvu/581

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La destinée inconnue, imprévue, de la fille, c’était justement ce futur mari. Il ne fallait donc pas que son éducation fût trop définitive, mais un peu élastique. Donc la famille est hésitante. La mère, souvent, d’ailleurs, traîne encore quelque peu dans les vieilles idées surannées qui ne seront plus celles d’aucun jeune homme. Le père, plus arrêté sans doute, n’a pu fixer sa fille sur bien des choses difficiles et scabreuses où le cœur, les sens, sont en jeu. Que de points de morale et que de faits d’histoire il lui a montrés de profil ! À l’époux seul d’expliquer tout.

Ce vague, cet incomplet des traditions de la famille, l’hésitation et le flottant qu’il y a dans cette vie et ces paroles de vieillards, c’est de cela justement que la jeune femme a besoin de sortir. Elle veut un homme qui décide, qui ne soit pas embarrassé, qui croie, agisse ferme et fort, qui, même aux choses obscures, pénibles, ait la sérénité, la bonne humeur d’un courage invariable. Elle trouvera plaisir, ayant un homme, à pouvoir être une femme, à avoir pour sa foi, sa vie, un bon chevet (je ne dis pas trop mou) où elle s’appuie en confiance. À ce prix-là, de bien bon cœur, elle dit « C’est mon maître. » — Son sourire fait entendre : « Dont je serai la maîtresse. » Mais maîtresse en obéissant, jouissant de l’obéissance, qui, quand on aime, est volupté.


Je ne sais plus quel législateur indien défend à la jeune femme, amoureuse, étonnée, de regarder trop son mari.

Et que veut-on qu’elle regarde ? c’est son livre