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d’abord le côté par où ils auraient pu se pénétrer, restent découragés, inertes, stupidement juxtaposés, comme une pierre contre une pierre. Qui sait ? la pierre frappée eût donné l’étincelle, et peut-être l’or ou le diamant.

C’est encore un dicton : « Le mariage fait, adieu l’amour. »

Le mariage ! et où est-il ? Je ne le vois presque nulle part. Tous les époux que je connais ne sont presque pas mariés.

Ce mot de mariage est élastique. Il admet une immense latitude thermométrique. Tel est marié à vingt degrés, tel à dix, et tel à zéro. Spécifions toujours, et disons : De combien sont-ils mariés ?


Tout dépend des commencements. Et il faut avouer qu’en général la faute n’est pas aux femmes. Les demoiselles vraiment neuves, que la confession, le roman et le monde n’ont pas trop mûries, avancées, apportent au mariage un luxe admirable de cœur, de docilité instinctive, de bonne volonté. Elles ont une attente immense de la vie où elles entrent. Celle qui, près de ses parents, a bien étudié, travaillé, et semble savoir tout, elle veut tout apprendre par son mari. Et elle a bien raison. Tout va lui revenir dans un degré nouveau de vie et de chaleur. Elle avait reçu tout cela passivement, comme chose inerte et froide, et elle va le saisir actif dans l’électricité brûlante, par cette aimantation unique où se mêlent le corps et le cœur.

Et notez que le père ne pouvait mieux faire. S’il eût donné une empreinte plus forte, il eût manqué son but.