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que voulez-vous qu’elle fasse ? Après cette horrible fatigue, allez-vous la mettre au travail, quand elle a donné le meilleur d’elle-même, son sang, sa moelle et sa vie ?

Tout ce que les économistes, etc., ont dit sur l’application de la femme à l’industrie ne touche qu’une exception imperceptible sur la carte, un petit point noir de l’Europe. Ils oublient toute la terre !

Dans tous les lieux, dans tous les temps, la femme n’a été et n’est occupée qu’aux travaux domestiques, qui, chez les tribus sauvages (où le guerrier se réserve pour la fatigue des grandes chasses), comprennent un peu d’agriculture ou de jardinage.

Et c’est en faisant peu ou rien que la femme produit les deux trésors de ce monde. Quels ? L’enfant, l’homme, la beauté, la force des races. Quels encore ? La fleur de l’homme, cette fleur d’arts, de douceur et d’humanité qu’on appelle civilisation. Tout cela est venu, dès l’origine, de la culture délicate, tendre et patiente que la femme, épouse et mère, nous a donnée au foyer.

La femme agit autant que nous, mais de tout autre manière. J’en vois qui travaillent douze heures par jour et ne croient pas travailler. Une des plus laborieuses me disait modestement « Je vis comme une princesse. C’est lui qui travaille et qui me nourrit. Les femmes ne sont bonnes à rien. »

Ce rien veut dire un travail doux, lent, coupé, volontaire, toujours en vue de ce qu’elle aime, pour son mari ou son enfant. Ce travail, qui n’absorbe pas son esprit, est comme la chaîne du tissu de ses