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aimante. C’est ce qui, plus qu’aucune chose, a fortifié l’amour dans l’espèce humaine, fixé l’union.

On a dit souvent que c’était la faiblesse de l’enfant qui, prolongeant les soins d’éducation, avait créé la famille. Oui, l’enfant retient la mère, mais l’homme est tenu au foyer par la mère elle-même, par sa tendresse pour la femme et le bonheur qu’il trouve à la protéger.

Plus haut et plus bas que l’homme, humiliée par la nature dont elle sent la main pesante, mais en même temps élevée à des rêves, des pressentiments, des intuitions supérieures, que l’homme n’aurait eus jamais, elle l’a fasciné, innocemment ensorcelé pour toujours, et il est resté enchanté. — Voilà la société.

Une puissance impérieuse, une tyrannie charmante, l’a immobilisé près d’elle. Cette crise toujours renaissante, ce mystère d’amour, de douleur, de mois en mois l’ont tenu là. Elle l’a fixé d’un seul mot : « Je t’aime encore plus, quand je suis malade ! »

Lorsqu’elle n’a plus les soins, l’enveloppement d’une bonne mère qui la soigne et qui la gâte, elle réclame un bon mari, dont elle puisse user, abuser. Elle prie, elle l’appelle, à raison ou sans raison. Elle est émue, elle a peur, elle a froid, elle a rêvé ! Que sais-je ? il y aura de l’orage ce soir, ou la nuit ; déjà elle le sent, elle l’a en elle « Je t’en prie, donne-moi la main… J’ai besoin d’être rassurée.

— Mais il faut que j’aille au travail… — Reviens donc vite… Aujourd’hui je ne peux me passer de toi… »

On les dit capricieuses, mais rien n’est moins vrai. Elles sont tout au contraire régulières, et très sou-