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sang n’a pas le cours du nôtre ; par moments, il se précipite, comme une averse d’orage. Elle ne respire pas comme nous. En prévision de la grossesse et de la future ascension des organes inférieurs, la nature a voulu qu’elle respirât surtout par les quatre côtes d’en haut. De cette nécessité résulte la plus grande beauté de la femme, la douce ondulation du sein, qui exprime tous ses sentiments dans une éloquence muette.

Elle ne mange pas comme nous, ni autant, ni les mêmes mets. Pourquoi ? Surtout par la raison qu’elle ne digère pas comme nous. Sa digestion est troublée à chaque instant par une chose : elle aime du fond des entrailles. La profonde coupe d’amour (qu’on appelle le bassin) est une mer d’émotions variables qui contrarient la régularité des fonctions nutritives.

Ces différences intérieures se produisent au dehors par une autre plus frappante. La femme a un langage à part.

Les insectes et les poissons restent muets. L’oiseau chante. Il voudrait articuler. L’homme a la langue distincte, la parole nette et lumineuse, la clarté du verbe. Mais la femme, au-dessus du verbe de l’homme et du chant de l’oiseau, a une langue toute magique dont elle entrecoupe ce verbe ou ce chant : le soupir, le souffle passionné.

Incalculable puissance. À peine elle se fait sentir et le cœur en est ému. Son sein monte, descend, remonte ; elle ne peut pas parler, et nous sommes convaincus d’avance, gagnés à tout ce qu’elle veut. Quelle harangue d’homme agira comme le silence de la femme ?