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la vie dans un jardin. Le peuple des forts, des purs, la Perse, met le monde d’abord dans un jardin de lumière.

Si tu ne peux quitter la ville, loge aux étages les plus hauts. Plus heureux que le premier, le cinquième et le sixième se font des jardins sur les toits. Tout au -moins la lumière abonde. J’aime que ta jeune femme enceinte ait une vaste et noble vue, dans les rêveries de l’attente, pendant les longues heures d’absence. J’aime que les premiers regards de l’enfant, lorsqu’on le tiendra au balcon, tombent sur les monuments, sur les effets majestueux du soleil qui tourne autour et leur donne aux heures différentes des aspects si divers. Quand on n’a pas sous les yeux les montagnes, les hauts ombrages, les belles forêts, on reçoit des grands édifices (où est la vie nationale, l’histoire en pierres de la Patrie) des émotions précoces dont la trace subsiste toujours. Les petits, enfants ne savent le dire, mais, de bonne heure, leur âme vibre aux effets de l’architecture, ainsi transfigurée. Tel rayon, tel coup de lumière qui, à telle heure, frappe un temple, leur reste à jamais présent.

Pour moi, je puis affirmer que rien dans ma première enfance ne me fit plus d’impression que d’avoir yu une fois le Panthéon, entte moi et le soleil. C’était le matin. L’intérieur, révélé par ses vitraux, rayonnait comme d’une gloire mystérieuse. Entre les colonnes légères du charmant temple ionique, si énormément élevé sur les grands murs austères et sombres, l’azur circulait, mais rosé d’une inexprimable lueur. Je fus saisi, ravi, atteint, et plus que je ne l’ai été de très grands événements. Ils ont passé ; cette lueur me reste et m’illumine encore.