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Que comparer à la grâce innocente et délicieuse de ces scènes du matin, lorsque le bon travailleur, ayant prévenu le soleil, le voit qui, sous les rideaux, vient admirer la jeune mère et l’enfant dans le berceau ? Elle est surprise, elle s’étend : « Quoi si tard ! » Elle sourit : « Oh ! que je suis paresseuse ! » — « Ma chère, il n’est que cinq heures. L’enfant t’a souvent réveillée ; je te prie, dors une heure encore. » Elle ne se fait pas trop prier, et les voilà rendormis.

Fermons, doublons les rideaux, et baissons la jalousie. Mais, le jour, dans sa triomphante et rapide ascension, ne se laisse pas exclure. Un charmant combat s’établit entre la lumière et l’ombre. Et ce serait bien dommage si l’on refaisait la nuit. Quel tableau on y perdrait Elle, penchée vers l’enfant, elle arrondit sur sa tête la courbe d’un bras amoureux... Un doux rayon cependant parvient à s’insinuer. Souffre-le, laisse autour d’eux cette touchante auréole de la bénédiction de Dieu.


J’ai parlé dans un de mes livres d’un arbre fort et robuste (c’était un châtaignier, je crois) que j’ai vu vivre sans terre, et de l’air uniquement. Nous suspendons dans des vases certaines plantes élégantes qui végètent également sans autre aliment que l’atmosphère. Nos pauvres cultivateurs ne leur ressemblent que trop, leur très faible nourriture, qui la supplée ? qui leur permet de faire, si peu nourris, des travaux si longs, si rudes ? la perfection de l’air où ils vivent et la puissance qu’il leur donne de tirer de cette alimentation tout ce qu’elle a de nutritif.