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apprend à respecter la vie, à ménager, à ne pas surmener l’espèce humaine.

Si je pouvais avoir quelque doute sur l’influence morale de l’anatomie, il m’eût suffit de me rappeler que les meilleurs hommes que j’ai connus étaient de grands médecins. Au moment même où j’étudiais à Clamart, j’y vis un célèbre chirurgien anglais qui, dans son grand âge de quatre-vingts ans, passe tous les ans la mer pour visiter cette capitale des sciences, et connaître les nouveautés heureuses que son génie inventif trouve incessamment pour le soulagement de l’humanité.


Il s’agissait pour moi surtout de l’anatomie du cerveau. J’en étudiai un grand nombre de l’un et de l’autre sexe, de tout âge, et fus frappé de voir combien naïvement la face inférieure du cerveau répond, dans sa physionomie, à l’expression du visage. Je dis la face inférieure et nullement la partie supérieure, et toute veineuse, à laquelle évidemment Gall attachait trop d’importance. C’est loin de la boîte osseuse, aux larges bases du cerveau, pleines d’artères, accidentées de volutes plus ou moins riches, selon que l’intelligence fut développée ; c’est là que se révèle énergiquement la personne, autant qu’au visage même. Celui-ci, face grossière, exposé à l’aira à mille chocs, déformé par des grimaces, s’il n’avait les yeux, parlerait bien moins que cette face inférieure, si bien gardée, si délicate, si merveilleusement nuancée.