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Eugène Sue, dans un roman faible d’exécution, mais d’observation excellente (la Gouvernante), donne le tableau très vrai de la vie d’une demoiselle transportée tout à coup dans une maison étrangère, dont elle doit élever les enfants. Égale ou supérieure par l’éducation, modeste de position, le plus souvent de caractère, elle n’intéresse que trop. Le père en est fort touché, le fils se déclare amoureux ; les domestiques sont jaloux des égards dont elle est l’objet, la calomnient, etc. Mais que de choses à ajouter ? Combien, chez Sue, est incomplète la triste iliade de ce qu’elle a à souffrir, même à craindre de dangers ? On pourrait citer des faits étonnants, incroyables. Ici c’est la passion du père portée jusqu’au crime, entreprenant d’effrayer une gouvernante vertueuse, lui coupant son linge, ses robes, même brûlant un jour ses rideauxl Là, c’est une mère corrompue qui, voulant gagner du temps et marier son fils le plus tard possible, trouve très bon qu’en attendant il trompe une pauvre demoiselle sans conséquence, qui n’a ni parents ni protecteur. Elle flatte, caresse la fille .crédule, et, sans qu’il y paraisse, arrange des occasions, des hasards calculés. Au contraire, j’ai vu ailleurs la maîtresse de maison, si violente et si jalouse, rendant la vie si amère à la triste créature, que, par l’excès des souffrances, elle prenait justement son abri sous la, protection du mari.


La tentation est naturelle pour une jeune âme, fière et pure, courageuse contre le sort, de sortir de