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III

LA FEMME LETTRÉE


La demoiselle bien élevée, comme on dit, qui peut enseigner, devenir gouvernante dans une famille, professeur de certains arts, se tire-t-elle mieux d’affaire ? Je voudrais pouvoir dire Oui. Ces situations plus douces n’entraînent pas moins pour elle une infinité de chances scabreuses, au total une vie trouble, une destinée avortée, parfois tragique. Tout est difficulté pour la femme seule, tout impasse ou précipice.

Il y a quinze ans, je reçus la visite d’une jeune et aimable demoiselle que ses parents envoyaient de la province à Paris. On l’adressait à un ami de la famille qui pouvait l’aider à gagner sa vie en lui procurant des leçons. J’exprimai l’étonnement que me donnait leur imprudence. Alors elle me dit tout. On l’envoyait dans ce péril pour en éviter un autre. Elle avait dans son pays un amant plein de mérite, et qui voulait l’épouser c’était le plus honnête homme, c’était un homme de talent. Mais, hélas ! il était pauvre. « Mes