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Nord (voir les statistiques). Nulle constitution ne résiste à cette vie. Pardonnons-lui à cette mère, si elle a envie que sa fille souffre moins, si elle l’envoie à la manufacture (du moins elle aura un toit sur la tète), ou bien, domestique à la ville, où elle participera aux douceurs de la vie bourgeoise. L’enfant n’y est que trop portée. Toute femme a dans l’esprit des petits besoins d’élégance, de finesse et d’aristocratie.

Elle en est tout d’abord punie. Elle ne voit plus le soleil. La bourgeoise est souvent très dure, surtout si la fille est jolie. Elle est immolée aux enfants gâtés, singes malins, cruels petits chats, qui font d’elle leur jouet. Sinon grondée, vexée, malmenée. Alors elle voudrait mourir. Le regret du pays lui vient ; mais elle sait que son père ne voudra jamais la reprendre. Elle pâlit, elle dépérit.

Le maître seul est bon pour elle. Il la consolerait, s’il l’osait. Il voit bien qu’en cet état désolé, où la petite n’a jamais un mot de douceur, elle est d’avance à celui qui lui montrerait un peu d’amitié. L’occasion en vient bientôt, madame étant à la campagne. La résistance n’est pas grande. C’est son maître, et il est fort. La voilà enceinte. Grand orage. Le mari honteux baisse les épaules. Elle est chassée, et sans pain, sur le pavé, en attendant qu’elle puisse accoucher à l’hôpital. (Histoire presque invariable, voyez les confessions recueillies par les médecins.)

Quelle sera sa vie, grand Dieu ! que de combatsl que de peines, si elle a tant de bon cœur, de courage, qu’elle veuille élever son enfantl