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pagne) que la femme, mariée quelque temps, une fois qu’elle a des enfants, fait de son âme deux parts, l’une aux enfants, l’autre aux parents, à ses premières affections qui se réveillent. Que garde le mari ? Rien. C’est ici l’esprit de famille qui annule le mariage.

On ne peut pas se figurer comme cette femme est ennuyeuse, se renfonçant dans un passé rétrograde, se remettant au niveau d’une mère d’esprit suranné, tout imbu de vieilles choses. Le mari vit doucement, mais baisse vite, découragé, lourd, propre à rien. Il perd ce que, dans ses études, dans une jeune société, il avait gagné d’idées pour aller un peu en avant. Il est bientôt amorti par la dame propriétaire, par le pesant étouffement du vieux foyer de famille.

Avec une dot de cent mille francs on enterre ainsi un homme qui peut-être chaque année aurait gagné cent mille francs.

Le jeune homme se le dit, à l’âge du long espoir et de la confiance. D’ailleurs qu’il ait plus, qu’il ait moins, n’importe, il veut courir sa chance, savoir de quoi il est capable ; il envoie au diable la dot. Pour peu qu’il ait quelque chose qui batte sous la mamelle gauche, il n’ira pas, pour cent mille francs, se faire le mari de la reine.


Voilà ce que m’ont dit souvent les célibataires. Ils m’ont encore dit ceci, un soir que j’en avais chez moi cinq ou six, et de grand mérite, et que je les tourmentais sur leur prétendu célibat.