Page:Michelet - OC, L’Amour, La Femme.djvu/10

Cette page n’a pas encore été corrigée
7
INTRODUCTION

eux l’état de nature. Je vois cependant que, dès qu’il y a quelque stabilité possible, des moyens réguliers de vivre, il se forme entre eux des mariages, du moins temporaires, créés non pas seulement pour l’amour de leur couvée, mais. très réellement par l’amour. J’en ai fait cent fois la remarque, spécialement en Suisse sur un ménage de pinsons. La femelle ayant péri, le mâle tomba dans le désespoir et laissa périr les petits. Évidemment c’était l’amour, et non l’amour paternel qui l’avait retenu au nid. Elle morte, tout était fini.

La nourriture moins abondante dans le progrès de la saison oblige beaucoup d’espèces à rompre leurs mariages temporaires. Les conjoints sont bien forcés de se séparer alors, d’étendre leur rayon de quête de chasse, et ils ne peuvent plus revenir le soir au même nid. Ainsi la faim les divorce, non la volonté. Les petits progrès d’industrie qu’amène toujours la fixité du mariage sont interrompus, annulés.

Autrement, ils resteraient. Ce n’est pas seulement le plaisir qui les tient, car la femelle fécondée ne le donne guère. C’est le véritable instinct de la société, de la vie commune, la jouissance de sentir près de soi tout le jour une petite âme à soi, qui compte sur vous, vous appelle, a besoin de vous, ne vous confond nullement (vous pinson, vous rossignol) avec nul de même espèce, n’écoute que votre chant, et y répond fréquemment par ses cris plaintifs et doux, à voix basse pour ainsi dire (pour être entendue d’un seul), de son cœur à votre cœur.