Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/692

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et devient la Guerre des paysans. — Une belle tradition, contée par Walter Scott, nous montre qu’en Écosse la magie fut l’auxiliaire des résistances nationales. Une armée enchantée attend dans de vastes cavernes que sonne l’heure du combat. Un de ces gens de basses terres qui font commerce de chevaux, a vendu un cheval noir à un vieillard des montagnes. « Je te payerai, dit-il, mais à minuit sur le Lucken Have » (un pic de la chaîne d’Eildon). Il le paye, en effet, en monnaies fort anciennes ; puis lui dit : « Viens voir ma demeure. » Grand est l’étonnement du marchand quand il aperçoit dans une profondeur infinie des files de chevaux immobiles, près de chacun un guerrier immobile également. Le vieillard lui dit à voix basse : « Tous ils s’éveilleront à la bataille de Sheriffmoor. » Dans la caverne étaient suspendus une épée et un cor. « Avec ce cor, dit le vieillard, tu peux rompre tout l’enchantement. » L’autre, troublé et hors de lui, saisit le cor, en tire des sons… À l’instant, les chevaux hennissent, trépignent, secouent le harnais. Les guerriers se lèvent ; tout retentit d’un bruit de fer, d’armures. Le marchand se meurt de peur, et le cor lui tombe des mains… Tout disparaît… Une voix terrible, comme celle d’un géant, éclate, criant : « Malheur au lâche qui ne tire pas l’épée, avant de donner du cor. » — Grand avis national, et de profonde expérience, fort bon pour ces tribus sauvages qui faisaient toujours grand bruit avant d’être prêtes à agir, avertissaient l’ennemi. — L’indigne marchand fut porté par une trombe hors de la caverne, et quoi qu’il ait pu faire depuis, il n’en a jamais retrouvé l’entrée.



VI


Du dernier acte du Sabbat. — Lorsqu’on reviendra tout à fait de ce prodigieux rêve de presque deux mille ans, et qu’on jugera froidement la société chrétienne du Moyen-âge, on y remarquera une chose énorme, unique dans l’histoire du monde : c’est que 1° l’adultère y est à l’état d’institution régulière, reconnue, estimée, chantée, célébrée dans tous les monuments de la littérature noble et bourgeoise, tous les poèmes, tous les fabliaux, et que, 2° d’autre part l’inceste