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s’empare de la seconde, lui fait l’amour, la rassure tellement qu’elle dit tout, trahit sa mère, ses sœurs (Limburch, Lamothe-Langon). Et toutes à la fois sont brûlées !

Ce qui brisait plus que la torture même, c’était l’horreur de l’in-pace. Les femmes se mouraient de peur d’être scellées dans ce petit trou noir. À Paris, on put voir le spectacle public d’une loge à chien dans la cour des Filles repenties, où l’on tenait la dame d’Escoman, murée (sauf une fente par où on lui jetait du pain), et couchée dans ses excréments. Parfois, on exploitait la peur jusqu’à l’épilepsie. Exemple : cette petite blonde, faible enfant de quinze ans, que Michaëlis dit lui-même avoir forcée de dénoncer, en la mettant dans un vieil ossuaire pour coucher sur les os des morts. En Espagne, le plus souvent l’in-pace, loin d’être un lieu de paix, avait une porte par laquelle on venait tous les jours à heure fixe travailler la victime, pour le bien de son âme, en la flagellant. Un moine condamné à l’in-pace prie et supplie qu’on lui donne plutôt la mort. (Llorente.)

Sur les auto-da-fé, voir dans Limburch ce qu’en disent les témoins occulaires. Voir surtout Dellon, qui lui-même porta le san-benito. (Inquisition de Goa, 1688.)

Dès le treizième, le quatorzième siècle, la terreur était si grande, qu’on voyait les personnes les plus haut placées quitter tout, rang, fortune, dès qu’elles étaient accusées, et s’enfuir. C’est ce que fit la dame Alice Kyteler, mère du sénéchal d’Irlande, poursuivie pour sorcellerie par un moine mendiant qu’on avait fait évêque (1324). Elle échappa. On brûla sa confidente. Le sénéchal fit amende honorable et resta dégradé. (T. Wright, Proceedings against dame Alice,&bsp;etc., in-quarto. London, 1843.)

Tout cela s’organise de 1200 à 1300. C’est en 1233 que la mère de saint Louis fonde la grande prison des Immuratz de Toulouse. Qu’arrive-t-il ? on se donne au Diable. La première mention du Pacte diabolique est de 1222. (César Heisterbach.) On ne reste pas hérétique, ou demi-chrétien. On devient satanique, anti-chrétien. La furieuse Ronde sabbatique apparaît en 1353 (Procès de Toulouse, dans L.-Langon, 3, 360), la veille de la Jacquerie.