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ment, que s’est trouvée la pure adoration du Diable. M. Wright s’accorde avec moi pour le temps et le lien. Seulement, il dit « En France et en Italie. » Je ne vois pas pourtant chez les Italiens (Barthole, 1357 ; Spina, 1458 ; Grillandus, 1524, etc.), je ne vois pas le Sabbat dans sa forme la plus terrible, la Messe noire, le défi solennel à Jésus. J’en doute même pour l’Espagne. Sur la frontière, au pays basque, on adorait impartialement Jésus le jour, Satan la nuit. Il y avait plus de liberté folle que de haine et de fureur. Les pays de lumière, l’Espagne et l’Italie, ont été vraisemblablement moins loin dans les religions de ténèbres, moins loin dans le désespoir. Le peuple y vit de peu, est fait à la misère. La nature du Midi aplanit bien des choses. L’imagination prime tout. En Espagne, le mirage singulier des plaines salées, la sauvage poésie du chevrier, du bouc, etc. En Italie, tels désirs hystériques, par exemple, des altérées, qui passent sous la porte ou par la serrure pour boire le sang des petits enfants. Folie et fantasmagorie, tout comme aux rêves sombres du Harz et de la Forêt-Noire.

Tout est plus clair, ce semble, en France. L’hérésie des sorcières, comme on disait, semble s’y produire normalement, après les grandes persécutions, comme hérésie suprême. Chaque secte persécutée qui tombe à l’état nocturne, à la vie dangereuse de société secrète, gravite vers le culte du Diable, et peu à peu s’approche du terrible idéal (qui n’est atteint qu’en 1300). Déjà après l’an 1000 (Voy. Guérard, Cartul. de Chartres), commence contre les hérétiques d’Orléans l’accusation qu’on renouvellera toujours sur l’orgie de nuit et le reste. Accusation mêlée de faux, de vrai, mais qui produit de plus en plus son effet, en réduisant les proscrits, les suspects, aux assemblées de nuit. Même les Purs (Cathares ou Albigeois), après leur horrible ruine du treizième siècle, tombant au désespoir, passent en foule à la sorcellerie, adorent l’Anti-Jésus. Il en est ainsi des Vaudois. Chrétiens innocents au douzième siècle (comme le reconnaît Walter Mapes), ils finiront par devenir sorciers, à ce point qu’au quinzième vaudoiserie est synonyme de sorcellerie.

En France, la sorcière ne me paraît pas être, autant qu’ailleurs, le fruit de l’imagination, de l’hystérie, etc. Une partie considérable, et la majorité peut-être, de cette classe infortunée est sortie de nos cruelles révolutions religieuses.

L’histoire du culte diabolique et de la sorcellerie tirera de