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affronterait leur parloir, pour s’entendre avec la Cadière. La défense revenait, dans ce cas, au syndic du barreau d’Aix, M. Chaudon. Il ne déclina pas ce dur devoir. Cependant, assez inquiet, il eût voulu un arrangement. Les jésuites refusèrent. Alors il se montra ce qu’il était, un homme d’immuable honnêteté, d’admirable courage. Il exposa, en savant légiste, la monstruosité des procédures. C’était se brouiller pour jamais avec le Parlement, tout autant qu’avec les Jésuites. Il posa nettement l’inceste spirituel du confesseur, mais, par pudeur, ne spécifia pas jusqu’où avait été le libertinage. Il s’interdit aussi de parler des girardines, des dévotes enceintes, chose connue parfaitement, mais dont personne n’eût voulu témoigner. Enfin, il fit à Girard la meilleure cause possible, en l’attaquant comme sorcier. On rit. On se moqua de l’avocat. Il entreprit de prouver l’existence du démon par une suite de textes sacrés, à partir des Évangiles. Et l’on rit encore plus fort.

On avait fort adroitement défiguré l’affaire en faisant de l’honnête carme un amant de la Cadière, et le fabricateur d’un grand complot de calomnies contre Girard et les Jésuites. Dès lors, la foule des oisifs, les mondains étourdis, rieurs ou philosophes, s’amusaient des uns et des autres, parfaitement impartiaux entre les carmes et les Jésuites, ravis de voir les moines se faire la guerre entre eux. Ceux que bientôt on dira voltairiens sont même plus favorables aux Jésuites, polis et gens du monde, qu’aux anciens ordres mendiants.

Ainsi l’affaire va s’embrouillant. Les plaisanteries