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répondit naïvement, dit au moins le commencement. L’évêque fut bien en colère, mortifié, indigné. Sans doute il devina le reste. Il ne tint à rien qu’il ne fît un grand éclat contre Girard. Sans regarder au danger d’une lutte avec les Jésuites, il entra tout à fait dans les idées du carme, admit qu’elle était ensorcelée, donc que Girard était sorcier. Il voulait à l’instant même l’interdire solennellement, le perdre, le déshonorer. La Cadière pria pour celui qui lui avait fait tant de tort, ne voulut pas être vengée. Elle se mit à genoux devant l’évêque, le conjura de l’épargner, de ne point parler de ces tristes choses. Avec une touchante humilité, elle dit : « Il me suffit d’être éclairée maintenant, de savoir que j’étais dans le péché. » (P. 127). Son frère le jacobin se joignit à elle, prévoyant tous les dangers d’une telle guerre et doutant que l’évêque y fût bien ferme.

Elle avait moins d’agitation. La saison avait changé. L’été brûlant était fini. La nature enfin faisait grâce. C’était l’aimable mois d’octobre. L’évêque eut la vive jouissance qu’elle fût délivrée par lui. La jeune fille, n’étant plus dans l’étouffement d’Ollioules, sans rapport avec Girard, bien gardée par sa famille, par l’honnête et brave moine, enfin sous la protection de l’évêque, qui plaignait peu ses démarches et la couvrait de sa constante protection, elle devint tout à fait calme. Comme l’herbe qui en octobre revient par de petites pluies, elle se releva, refleurit.

Pendant sept semaines environ, elle paraissait fort sage. L’évêque en fut si ravi qu’il eût voulu que le carme, aidé de la Cadière, agît auprès des autres pénitentes de Girard, les ramenât à la raison. Elles